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jeudi, 05 novembre 2015

NE PAS DERANGER

 

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Hommage à René Girard, qui vient de rendre son tablier, qui a fini par se résoudre à plier ses cannes. Je n'oublierai pas le choc tectonique que fut pour moi la lecture de La Violence et le sacré, d'une érudition ébouriffante. C'était dans les années 1970. Même si on peut être agacé par la prétention de l'auteur à donner à sa théorie du désir mimétique, et sur un ton de certitude péremptoire, une dimension tellement englobante que Freud, avec toute sa psychanalyse, pouvait aller se rhabiller.

mardi, 03 novembre 2015

NE PAS DÉRANGER

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mardi, 27 octobre 2015

NE PAS DÉRANGER

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vendredi, 23 octobre 2015

NE PAS DÉRANGER

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Le "Gris du Gabon" figure parmi les meilleurs imitateurs.

jeudi, 22 octobre 2015

NE PAS DÉRANGER

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mardi, 20 octobre 2015

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mercredi, 14 octobre 2015

NE PAS DÉRANGER

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samedi, 03 octobre 2015

NE PAS DÉRANGER

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dimanche, 27 septembre 2015

NE PAS DERANGER

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samedi, 26 septembre 2015

NE PAS DERANGER

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vendredi, 25 septembre 2015

NE PAS DERANGER

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dimanche, 20 septembre 2015

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mardi, 15 septembre 2015

NE PAS DERANGER

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mardi, 01 septembre 2015

NE PAS DERANGER

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vendredi, 31 juillet 2015

UN ZESTE DE VIALATTE

VIALATTE NATALIE.jpgMême si ça peut sembler incongru, je comparerais volontiers chaque plongée dans les chroniques de maître Vialatte à celles que je fais régulièrement dans les albums de Gaston Lagaffe, la créature de maître Franquin : il suffit de quelques pages pour que le lecteur se mette à jubiler. Un ton et une tournure d’esprit absolument uniques, joints à la virtuosité du trait. Deux auteurs qui savent à merveille vous tenir en état de surprise permanente, à l'exact antipode de ce que Vialatte nomme quelque part (chronique "Des hauts et des bas" par Sempé) « le crime de l'uniformité ». Regardez par exemple ce paragraphe qui clôt diverses considérations, dont un éloge de Le Fond et la forme (tome II), de Jean Dutourd. On trouve ça dans Pas de h pour Natalie (Fayard, 1995). 

         « Je ne saurais terminer sans des conseils utiles : faites ramoner dès maintenant vos cheminées et réclamez une fiche de contrôle ; soyez vertueux et sensible ; ouvrez toujours les boîtes d’asperges "par le fond" ; si votre chat n’aime pas le mou, donnez –lui du caviar ; ne mentez qu’avec précision ; si vous engraissez de la ceinture, renversez la tête en arrière, vous rétablirez l’équilibre. Relisez Le Fond et la forme, votre fond en aura plus de forme, votre forme en aura plus de fond. Ne battez pas votre femme avec une barre de fer ; vous seriez puni par les juges d’Angleterre, car c’est un geste de goujat ; usez plutôt d’une canne flexible et résistante, vous serez approuvé par la Bible et par les proverbes arabes.

         Et c’est ainsi qu’Allah est grand. » 

Alexandre Vialatte, La Montagne, 17 mai 1960. 

On me dira ce qu’on voudra, ce genre d’allègre espièglerie ne peut se trouver que sous la plume d’un grand de la littérature. 

Mais là je n’apprends rien à personne. 

Voilà ce que je dis, moi.

ENGLEBERT OMER.jpgNote : quoi qu'on puisse en penser, Vialatte orthographie le prénom Natalie conformément à l'étymologie latine. On lit d'ailleurs dans l'irremplaçable Fleur des saints, cette bible écrite par Omer Englebert (Albin Michel), à la date du 27 juillet (où l'on fête toutes les Natalie) : « Ils furent décapités [en 852], écrit Euloge, dans l'ordre suivant : Félix, Georges, Liliose, Aurèle et Natalie (ou Noële) [sic] ». Eh oui, Noëlle et Nat(h)alie, c'est du pareil au même. C'est un des sujets de la dernière chronique du volume, "Chronique de l'h de Natalie". C'est sûr, Vialatte est du genre conservateur.

samedi, 06 décembre 2014

L’ART CON AU MUSÉE

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Forcément catalogués parmi les fossiles les plus archaïques des âges paléo-anthropiques, où les artistes et autres inventeurs de nos paysages se souciaient d’en fabriquer les éléments pour l’agrément, le bonheur et le plaisir des hommes qui vivaient là, mes pauvres yeux préhistoriques demeurent étrangement, quoique violemment, incrédules devant les extravagances qui surgissent en rangs toujours plus serrés des cerveaux d’individus royalement rémunérés par ce qui se fait de plus riche sur la planète.

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L'ex-courtier en matières premières à Wall Street, Jeff Koons et son patron, le richissime François Pinault, autour du buste intitulé "Jeff et Ilona" (Ilona est le vrai prénom de l'actrice porno "Cicciolina"). Photo peut-être prise au Palazzo Grassi à Venise, propriété de monsieur Pinault.

Il paraît qu’il convient de les appeler - quand même - « artistes ». Cela me laisse sur le cul, mais admettons que ce soit « l’époque qui veut ça ». Une époque qui ne cesse de donner des raisons de la haïr. Dernièrement, la dite époque nous a offert « l’affaire Paul McCarthy », du nom de « l’artiste » qui avait planté une chose verte en pleine place Vendôme, et dont il avait emprunté le dessin aux fournisseurs d’ustensiles des amateurs de sodomie. 

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Une "Très Grosse Commission" de Paul McCarthy (que les gens viennent quand même photographier).

Un éditorialiste du Monde était allé jusqu’à traiter de « crétins » les diplodocus et ptérodactyles qui avaient osé apporter la preuve, en rendant au « monument » la platitude qu'il n'aurait jamais dû quitter, que bien des « œuvres » de « l’art contemporain » ne sont, comme la baudruche, que de la gonflette, tout juste dignes de ces salles où des corps d’hommes (et de femmes) se gavent de clenbutérol, stanozolol et autres joyeusetés moléculaires anabolisantes, dans le but de faire mieux que Schwarzenegger, dans leur miroir qui n’a pas mérité ça. Il faut choisir : c’est ça ou le compresseur d’air.

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Mesdames, avouez : ça vous fait envie ?

Nous qui savons que tout époque produit les œuvres d'art qu'elle mérite, avons-nous besoin de ces « artistes » pour comprendre que l’époque présente est, dans ses grandes lignes et dans bien des détails, à vomir, à déféquer, à expulser comme les urates de n’importe quel docteur Faustroll qui s’ignore, même si, contrairement à l'original, la plupart des gens ne le font pas dans un « as » (chapitre "Du bateau du Docteur, qui est un crible", c'est dans la bible de la 'Pataphysique) ? Si c’est là le « message » de Paul McCarthy, je me permets de le trouver tout à fait niaiseux. Quoi ? Tout ça pour "ça" ?

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Un "Balloon Dog", façon Jeff Koons, mais de Paul McCarthy, et bien arrimé au sol, de peur qu'il rejoigne la stratoshère.

Dommage, d'ailleurs.

De graves « critiques d’art », de dignes « intellectuels » auront beau me prouver par a + b que je n’ai rien compris et que c'est moi qui suis affligé du même QI que le pétoncle, je persisterai dans mon aveuglement : que peut bien procurer au spectateur sa représentation de Blanche-Neige (ou qui que ce soit) en train de faire caca devant les animaux de la forêt ?

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C'est qui, déjà, qui avait détourné une couverture de livre pour enfants ?

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C’est sans doute moi qui suis irrémédiablement bouché. Je me rassure en me disant que des « œuvres » qui ont besoin de tout un volume imprimé sur papier bible pour expliquer et justifier leur nécessité doivent être décidément bien minces d’intérêt pour être remplacées par de si savantes logorrhées, plus conceptuelles qu'argumentatives.

 

Au moins, Jeff Koons, anticipant sans doute les agressions inqualifiables qui ont anéanti la chose verte de McCarthy, a conçu des œuvres « en dur ». A ceux qui se méprendraient, je dirai de se méfier : ne faites pas comme Prunelle, quand il veut essayer le « fauteuil de cuir fin » imaginé par Gaston Lagaffe pour la Fédération de boxe et qui se fracasse le crâne sur le prototype en plâtre armé. 

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Une histoire qui fait pendant à celle (vraie) de cette femme de ménage consciencieuse employée dans un musée allemand qui, croyant faire son boulot, a détruit une « œuvre d'art » en nettoyant un canapé sali exprès par l'artiste. Vous avez sûrement entendu parler. Après vérification, c'est une femme de ménage qui a détruit une œuvre (fait disparaître la patine) de Martin Kippenberger en récurant le récipient en caoutchouc, baptisé "Quand des gouttes d'eau commencent à tomber du plafond", qu'il exposait à Dortmund. L'œuvre était assurée pour 800.000 euros.

 

Quoi qu'il en soit, je me dis qu'après tout, ça existe peut-être, la "justice immanente".

 

Car Jeff Koons, lui, a conçu ses « Balloons » en acier, que ce soient des fleurs, des lapins ou des chiens, et pour parfaire l’illusion, il a exigé un « poli miroir » qui suscite l’admiration. Ça nous change de l’exhibition pas si lointaine (1991-1992) de ses galipettes sexuelles avec Ilona Staller, alias « la Cicciolina », l’actrice porno qu’il avait épousée. Jeff Koons, ou la pornographie érigée en œuvre d'art. Mieux : la pornographie élevée à la dignité de concept (vous connaissez sûrement, "nommé", "promu", "élevé à la dignité de" : on appelle ça la "Légion d'Honneur").

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Peut-être avait-il invité, en plus des amis, quelques caméras pour immortaliser leur nuit de noces, et quelques micros pour enregistrer les sons de leurs orgasmes.  S’agissant de sexe, certains n’hésiteraient pas à parler de « perfomance », bien que le terme, s’agissant d’art, prête aujourd’hui à confusion (contamination de l’anglais « to perform »).

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Ce qui s'appelle "faire argent de tout". Et surtout de n'importe quoi. Vérifiant l'adage qui dit que "l'argent n'a pas d'odeur". Ici, ça vaut mieux.

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

lundi, 06 janvier 2014

DESSINER DU TAC AU TAC

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Puisque j’ai évoqué hier la vieille émission de télé de Jean Frapat, Tac au tac, j’ai eu envie d’en dire un mot. La raison en est que l’éditeur Balland avait publié en son temps un volume, sobrement intitulé Tac au tac, consacré aux traces laissées par les cinquante (tout de même) rencontres de dessinateurs de BD sur un plateau de télévision, aux fins d’en découdre à la façon des jazzmen « faisant le bœuf » entre eux, une fois le turbin en club expédié. Je trouve que le terme de « jam session » conviendrait assez bien à ces confrontations.

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"PROPOSITION" DE PEYO

Le principe est d’une simplicité angélique, même s’il peut être soumis à des variations dues aux circonstances, à la disponibilité des gens et à la concordance des agendas.

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"PIEGES" TENDUS PAR ROBA, FRANQUIN ET MORRIS

L’un des invités est désigné volontaire pour amorcer le débat, je veux dire pour proposer un dessin simple qui servira de support et de base de lancement à la fusée des imaginations. Par exemple, le producteur propose un motif : trois points alignés horizontalement.

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LES "PARADES" TROUVEES PAR PEYO

Alexis imagine une tête humaine à trois yeux, trois bouches et six oreilles ; Gébé voit un vampire à trois dents qui vient de les planter dans le cou d’une fille ; pour Fred les trois points sont autant de bouts de cigarettes à allumer à un chandelier à trois branches, et Gotlib se prend pour Lucky Luke : une main tenant un pistolet fumant a laissé dans la palissade du fond trois trous inquiétants. Seul le manque de place motive ici l’absence d’illustration.

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LE POINT DE DEPART, C'EST MORRIS

On peut commencer par regarder (voir plus haut) le schtroumpf proposé par Peyo au trio formé de Roba (Boule et Bill), Franquin (Gaston) et Morris (Lucky Luke), chargés de tendre un piège au gnome bleu.

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REPLIQUE DE ROBA

Et l’on jettera un œil amusé sur les parades trouvées dans l’instant par Peyo pour sauver sa trouvaille, les schtroumpfs, apparue, je le rappelle, dans La Flûte à six schtroumpfs.

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LÀ, C'EST FRANQUIN

Je passerai sur le duo formé par Gébé (L’An 01) et Claire Bretécher (Cellulite, Les Frustrés), qui n’est pas inintéressant, mais … Je m’intéresserai à une drôle d’aventure appelée « escalade ». Elle consiste en une série de seize interventions successives de quatre compères : les mêmes Morris, Peyo, Franquin et Roba.

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ETAT INTERMEDIAIRE

Je laisse de côté quelques épisodes de ce match merveilleux : seize images, ça ferait vraiment beaucoup. Je me contente de la séquence initiale, d’un état intermédiaire et du résultat final. Au lecteur sourcilleux de reconstituer en partant de la fin la totalité des phases de cette compétition amicale.

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RESULTAT FINAL APRES QUINZE PASSES DU BALLON

Je me permets encore de trouver merveilleuse l’idée de Jean Frapat de confronter entre eux des virtuoses du crayon, et de persister dans l’idée qu’elle a quelque chose à voir avec tout ce que je préfère dans le jazz : l’interaction « en temps réel » (comme on dit aujourd’hui) entre les idées des musiciens (les trios de Keith Jarrett, Ahmad Jamal ou Brad Mehldau), de préférence aux grosses machines (Count Basie, Duke Ellington), où toute la musique est écrite par un arrangeur, et que les musiciens n'ont plus qu'à exécuter.

C’est l’idée formidable d’un bonhomme, Jean Frapat, désireux de voir se produire un événement sous ses yeux, par la grâce de la rencontre de quatre dessinateurs talentueux. Quatre jazzmen virtuoses du crayon qui ont du plaisir à s’amuser ensemble, dans des jam sessions détendues et stimulantes.

Toute une époque !

Voilà ce que je dis, moi. 

 

 

mercredi, 29 mai 2013

TROP FORT, GASTON LAGAFFE

On trouve de drôles de choses, certains jours, dans notre PQR. A Lyon, PQR s’appelle Le Progrès. A la page « Faits divers », on tombe sur la photo suivante.

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Elle représente un échafaudage. Elle représente aussi une automobile, immatriculée en Corse. Le conducteur de celle-ci semble avoir confondu celui-là avec son garage, puisqu’il s’y est installé à pleine vitesse, sans avoir eu le temps de trouver bizarre qu’il n’ait pas eu à ouvrir la porte.

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J’entends bien souvent dire que « la réalité dépasse la fiction ». Eh bien non. Au moins pour cette fois. Gaston Lagaffe est en effet capable de bien pire, comme le montrent les quelques vignettes ici présentes. Au début de l'histoire, il vient de déposer sur un pare-brise un mot pour s'excuser d'avoir éraflé la carosserie de la voiture.

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Non, c’est vrai, je reconnais que la réalité peut, à l’occasion, avoir une certaine imagination. Mais pour s’aligner avec le cerveau ô combien fertile de Gaston Lagaffe, la réalité aurait dû se lever un peu plus tôt. 

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En fait, sans un bon auteur, la réalité est paresseuse, et ne parvient qu’exceptionnellement à approcher la suractivité de l’esprit du créateur inspiré, si celui-ci ne lui apporte le coup de pouce nécessaire. 

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Et Stendhal, avec son « miroir promené le long d’une route » (il parle du roman), peut bien la ramener : il est enfoncé, quand l'auteur s’appelle André Franquin.

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

Note : on me reprochera de me moquer, alors que c’est une tragédie, le conducteur étant mort dans l’accident (6 h 30 le matin, les deux jeunes sortaient, sans doute beaucoup trop vite, de boîte de nuit, la passagère est quasiment indemne).  Je ne me moque pas, je lis le journal, c’est tout. Quelle idée aussi, la rubrique "faits divers" ? Qu’est-ce que j’y peux, si ça fait marcher la machine à associer les idées. Cette fois, c’est tombé sur Gaston.

 

Pour me faire pardonner, je vous propose de passer une minute (1' montre en main) en face d’un nuage d’étourneaux. Ce qu’aucune fiction n’est capable d’égaler. Et quand vous verrez les aurores boréales en mouvement filmées par S., vous admettrez avec moi que si, la réalité peut vraiment avoir une imagination débordante. Et du souffle.

 

Et puisque vous insistez, voici un nuage d'étourneaux d'un autre genre (si j'ose dire).

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UN LECTEUR INATTENTIF POURRAIT CROIRE QU'ON VA BIENTÔT PARLER DE SOINS PARTICULIERS A APPORTER AUX CHEVEUX LONGS (UNE BRUNE ET UNE BLONDE, POUR NE PAS FAIRE DE JALOUSES).

 

« Tes deux seins sont comme deux faons, jumeaux d'une gazelle, qui paissent au milieu des lis. » (Salomon, Cantique des cantiques, I, 4, 5).

 

« Les hommes labouraient d'une main plus profond, les femmes employaient avec à propos les condiments dans la cuisine, les garçons pourchassaient les filles, et chacun priait Dieu qu'il voulût bien consommer la ruine de son prochain. » (Marcel Aymé, La Jument verte).

 

Toutes ces choses n'ont guère de rapport entre elles. J'en suis d'accord.

 

La vie est belle, et c'est tant mieux.

 

 

 

 

 

samedi, 19 janvier 2013

ODE A ANDRE FRANQUIN

Pensée du jour : 

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MAHONGWE, GABON

« Les villes remontent à la plus haute antiquité. Il n'y a qu'à voir la rue Broca ».

 

ALEXANDRE VIALATTE

 

 

 

DEMES V 3.jpgL’art de la bande dessinée ne consiste pas seulement à donner au lecteur l’impression d’être en face d’une réalité, mais d’y être transporté. Tout simplement : d’y être. L'impression de réel par l'expressivité du dessin. Un peu comme au cinéma (pas toujours, il faut bien dire). C’est d’ailleurs en cela qu’on peut dire que la bande dessinée est un art.

 

 

Regardez les BD japonaises, que dévorent au kilomètre les jeunesDEMES V 4.jpg générations. Mangas, on appelle ça. Je veux bien qu’on appelle ça des produits, mais pas plus. C’est fabriqué comme l’œuf dur destiné aux cantines scolaires : à la chaîne, vous savez, ces tubes où le jaune est introduit en continu dans un habitacle de blanc, pour être, au bout, découpé en tranches où jaune et blanc sont uniformément répartis sur les tranches. En continu. Avec une armée de gens spécialisés, chacun dans son secteur : les décors, les personnages, les trames de gris ou de couleurs, etc.

 

 

DEMES V 8.jpgD’accord, il y a un metteur en scène. Mais je comparerais ça à l’opposition traditionnelle littérature / cinéma. D’un côté la solitude du romancier. De l’autre, l’entreprise industrielle. En BD, c’est exactement pareil. A mes yeux, comme on dit au Japon : « Yapafoto »).

 

 

Personnellement, je suis resté fidèle à l’artisanat d’art et à quelques-unsDEMES V 10.jpg de ses éminents représentants. Au premier rang, je ne citerai que des « grands anciens » : GIR (alias GIRAUD, alias MOEBIUS), JACQUES TARDI, HERMANN, BILAL, pour ne parler que de ceux qui créent encore.

 

 

DEMES V 12.jpgPour JEAN GIRAUD, je sais que j’ai tort, puisqu’il est mort très récemment (10 mars 2012), mais sa dernière série (Monsieur Blueberry) mérite qu’on rende hommage à son art du flash-back, à sa virtuosité dans la superposition des trames narratives et à la profondeur qui caractérise les personnages secondaires (alors que le dernier épisode de la prometteuse trilogie Marshall Blueberry a été carrément bâclé : visiblement, il voulait s’en débarrasser). 

 

 

Et puis il y a FRANQUIN. J’avais un collègue qui portait aux nues lesDEMES V 15.jpg aventures de Chevalier Ardent, le guerrier de petite noblesse, amoureux de Gwendoline, la fille du grand roi Arthus qui le lui rendait bien, mais dont le papa avait pour elle d’autres ambitions matrimoniales que de la marier avec cet obscur nobliau.

 

 

DEMES V 22.jpgC’est sûr, il y a dans Chevalier Ardent de nobles sentiments, un "besoin de grandeur" (titre d’un ouvrage curieux de CHARLES-FERDINAND RAMUZ, où l’auteur explique les raisons de son enracinement définitif dans son canton de Vaud, en Suisse). Mais l’héroïsme a déserté depuis lurette la bande dessinée, comme il l’avait fait bien avant dans les  œuvres des romanciers.

 

 

Ce qui frappe, chez FRANQUIN, c’est donc la virtuosité bluffante deDEMES V 19.jpg son trait, qui lui permet de donner à tout ce qu’il dessine un effet magistral, une expressivité qu’on ne trouve nulle part ailleurs. La faculté inouïe de donner une vraie forme identifiable à l’idée qui lui vient, dans le moindre détail. Prenez Monsieur De Mesmaeker, dont le portrait écumant de rage (sauf en une occasion, où il signe un contrat, mais c’est avec Gaston) parsème cette note.

 

 

DEMES V 2.jpgLa marque du grand dessinateur, c’est, entre autres, sa capacité à camper un personnage immédiatement reconnaissable (silhouette, détail vestimentaire, forme de la tête, etc.). Et ce, quels que soient son geste, son attitude, sa position dans l’image. Pour qu’il reste sans cesse lui-même, il faut l’imaginer en trois dimensions, mais aussi en dessiner de multiples études. On pense au Lucky Luke de MORRIS.

 

 

Monsieur de Mesmaeker est de ceux-là. Mais aussi, évidemment,DEMES V 14.jpg Spirou (uniforme rouge du groom), Fantasio (tête ronde à huit cheveux absolument rebelles), Gaston (pull vert et silhouette incurvée en S), etc. Gaston est le plus grand ennemi de monsieur de Mesmaeker, l’empêcheur de signer en rond. Ce n’est pas qu’il lui veut du mal, bien au contraire.

 

 

DEMES V 7.jpgLe génie de FRANQUIN est aussi d’avoir défini des forces antagonistes, résolument irréconciliables, comme source inépuisable de situations  : Gaston et la vie de bureau, Gaston et l’ordre établi (Longtarin), Gaston et le monde des affaires, (...). Entre  Gaston et Moiselle Jeanne, ce n’est évidemment pas de l’antagonisme. J’ai même eu sous les yeux une planche où FRANQUIN se lâchait, et où le garçon et la secrétaire folle de lui passent enfin à l’acte « dans les positions les plus pornographiques » (BRASSENS, Trompettes de la renommée). Pas dans Spirou, bien sûr.

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Bref, ce n’est que de la bande dessinée ! Mais dans le genre, ANDRÉ FRANQUIN, on peut dire qu’il a du génie.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

PS : pour les amateurs, je joins un extrait de pastiche de Gaston par l'excellent ROGER BRUNEL, où les contrats avec De Mesmaeker se trouvent perforés par l'ardeur déployée par notre héros pour Moiselle Jeanne.

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Ce n'est ni du français, ni du pataouète, mais s'il n'y a pas le sous-titrage, il y a au moins l'image. Ceci étant dit pour annoncer la note de demain. « Enfants voici les boeufs qui passent, cachez vos rouges tabliers ». Attention les yeux !

 

 

 

vendredi, 18 janvier 2013

ODE AU GAFFOPHONE

Pensée du jour :

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ASTANIHKYI, "COME SINGING", COMANCHE, PAR EDWARD S. CURTIS

(je salue le dernier Indien à apparaître dans cette série de photos)

 

« Le kangourou date de la plus haute antiquité. Scientifiquement, il se compose, comme l’Auvergnat, de la tête, du tronc et des membres ».

 

ALEXANDRE VIALATTE

 

 

Résumé : nous avions laissé Gaston Lagaffe au moment où il vient d’inventer le bien nommé GAFFOPHONE. 

 

IDEE 1.jpgCet extraordinaire instrument mérite qu’on lui consacre quelques instants. Pour le créer, FRANQUIN s’est inspiré d’une harpe africaine exposée en Belgique. Quant à l’entourage de Gaston, il peut s’attendre aux pires catastrophes, dès l’instant où passe, dans son esprit le démon qu’on appelle une IDÉE.

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Le gaffophone sort en droite ligne de ce genre d’instant privilégié. En s’inspirant d’un instrument africain, qu’il a néanmoins « perfectionné » (« au secours », disent déjà les voisins), il arrive à créer, sans amplification électrique : « Une vibration du tonnerre avec une résonance maximum ». Autant dire qu’il n’y a pas besoin d’attendre le deuxième essai pour obtenir un coup de maître concluant, dépassant même les espérances. Disons que FRANQUIN a fait inventer par Gaston un « instrument de destruction massive ».

 

GAFFO 13.jpgPeut-être même a-t-il regretté qu'il n'existât pas dans la réalité, car Spirou lança, auprès de ses lecteurs, un concours  de fabrication concrète d’instruments. Résultat : un Néerlandais envoya au journal, par le train, un engin de 125 kilos. Ce ne fut pas le seul. Pour dire son incroyable audience, mais aussi l’incroyable popularité acquise rapidement par le personnage tout à fait génial d’ANDRÉ FRANQUIN, à qui il arrive de faire du gaffophone une arme antimilitariste : il n’aime guère l’armée, semble-t-il.

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Mais tout arrive, y compris l’inimaginable : le gaffophone peut rendre service. D’accord, c’est tout à fait involontaire de la part de Gaston, mais le résultat est là, rapide, soigné, gratuit : le client est ravi, et l’ouvrier récalcitrant n’y comprend rien. Gaston est passé pas loin.

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MIEUX QUE LES ARTIFICIERS SUR LES GRANDES BARRES DE LA DUCHÈRE

La règle est tout de même, en général, le gros dégât, sinon ça ne vaudrait pas le coup. Qu’il sévisse au journal ou à la campagne, les effets sont garantis : si le son fait fuir les taupes chez le voisin, comme s’en réjouit le paysan, il ne limite pas ses effets aux taupes. 

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Il est évident que le personnel de bureau fait tout pour se débarrasser de l’instrument, mais rien à faire. Que Lebrac introduise des termites à l’intérieur, c’est tout l’immeuble qui menace de s’effondrer, bouffé par les bestioles qui n’ont pas voulu du bois musical. 

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L'EXPRESSIVITÉ DU TRAIT ABSOLUMENT VIRTUOSE DE FRANQUIN EST EVIDEMMENT UN DES FACTEURS ESSENTIELS DE L'EFFET PRODUIT

Que Fantasio fasse venir des déménageurs pour obliger Gaston à débarrasser l'immeuble Spirou, quitte à faire un cadeau au musée de l’homme, c’est d’abord susciter la curiosité amusée de ceux-ci, qui voudraient bien savoir ce que c’est, c’est ensuite faire prendre au camion de très gros risques, comme il aurait dû s’y attendre. Voici ce qui lui arrive, au camion.

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Quand arrive la 600ème planche, je veux dire la 600ème gaffe, toute l’équipe décide de fêter la rondeur du nombre atteint. MAIS Gaston ne s’en offusque qu’un court instant. ET décide de participer à sa façon à la fête, et de lui donner un certain « retentissement ». Pour l’occasion, avec ses complices Bertrand et Jules-de-chez-Smith-en-face, il décide d’électrifier les instruments de leur orchestre. Gaston, qu’on se le dise, n’est jamais à court de ressources.

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Je réserve pour la fin la planche 467, qui démontre, d’une certaine manière, le caractère intouchable du gaffophone, j’allais dire sa valeur SACRÉE. Et si Fantasio m’avait demandé mon avis, je lui aurais volontiers dit, comme EDITH PIAF disant à Manuel de ne pas y aller (N’y va pas, Manuel) : « N’y va pas, Fantasio ! ».

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Et une fois la démonstration faite, j’aurais ajouté : « Je te l’avais bien dit, de pas y aller ! ».

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ADMIREZ L'ART DU MONTAGE DES DIALOGUES.

L'ART DE L'ELLIPSE AUSSI.

Je compte ANDRÉ FRANQUIN parmi les bienfaiteurs de l’humanité, pour avoir inventé un personnage aussi inassimilable que celui qu’avait imaginé HERMAN MELVILLE en écrivant Bartleby (vous savez : « I would prefer not to »). Mais comme son versant ensoleillé, un versant éminemment jovial, positif et sociable. Exactement le contraire de ce personnage sombre, négatif et suicidaire.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

lundi, 14 janvier 2013

ODE A GASTON

Pensée du jour :

 

« Nous n’avons plus le sens du pompeux. Sans quoi, comme je le faisais remarquer si justement dans ma dernière chronique, nous ferions de notre sous-préfet, tels les Mossi de la Haute-Volta, le héros d’un grand psychodrame destiné, tous les vendredis, à l’empêcher de partir pour la guerre, et qui se jouerait devant la sous-préfecture. Rien ne serait plus majestueux. Mais nous n’avons plus le sens de la cérémonie ».

 

ALEXANDRE VIALATTE

 

Un des plus beaux héros de bande dessinée qui furent un jour inventés est, à n’en pas douter, l’énorme, l’immense, le démesuré GASTON LAGAFFE. Un personnage créé par ANDRÉ FRANQUIN, qui, après une entrée quasi-clandestine, illumina progressivement la revue Spirou de son aura au rayonnement éblouissant, à partir du 28 février 1957. 

 

Je ne vais pas refaire après tant d’autres l’éloge de Gaston Lagaffe. On ne peut plus dire du bien de Gaston Lagaffe. Je le dis clairement : il est désormais impossible d’ajouter quelque fétu que ce soit à la meule, que dis-je, à la montagne des hommages. Le fétu serait perdu comme l’aiguille dans la botte de foin.

 

Je ne viens pas au secours d’une ambulance. Je viens ici déposer mon gravier au pied du monument, comme j’ai vu les mots hâtifs tracés sur des bouts de papier lestés d’un petit caillou couronnant en majesté la belle tombe, toujours pieusement et nombreusement visitée, du poète espagnol ANTONIO MACHADO à Collioure.

 

Gaston, on me dira ce qu’on voudra, au bout de trois planches, il me dilate déjà les viscères, au bout de cinq (j’aime les nombres impairs), je suis plié en deux (zut, c'est un nombre pair). Au bout de sept, je n’en peux plus, je demande grâce. La première vertu zygomatique de Gaston est dans l'ingéniosité qu'il met en oeuvre pour aboutir à la SIESTE. La deuxième vertu de Gaston est dans la GAFFE, bien évidemment. La troisième vertu de Gaston est l’INVENTION, si possible improbable. Les vertus 2 et 3 découlent souvent l’une de l’autre.

 

Qu’on se le dise : le rêve de tout homme honnête avec lui-même est dans l’inaction consécutive à la décision de faire une bonne sieste. La sieste, en plus d'être une soustraction aux activités du monde, est un désordre. Gaston y est comme un poisson dans l’eau.

 

Et comme un grain de sable dans la machine productive, qu’il fasse un reportage au zoo ou qu’il fasse rissoler on ne sait pas bien quoi (peut-être des sardines à la confiture de fraise) au fond d’une caverne creusée au cœur des archives de Spirou, en compagnie de son transistor, de son chat et de sa mouette rieuse, dans l’harmonie parfaitement régressive d’un ventre maternel d’un nouveau genre.

 

Le grain de sable agit en général seul, car c’est son seul esprit qui prend l’initiative des catastrophes, mais FRANQUIN ne rechigne pas à l’assortir de divers complices. Je viens d’en citer deux, mais il y a aussi Jules-de-chez-Smith-en-face et Bertrand qui viennent prêter leur savoir-faire en la matière. A eux cinq, ils représentent à peu près la puissance de feu du porte-avions Enterprise, fleuron de l’US Navy. 

 

Autour de notre grain de sable explosif, une pléiade de personnages dansent une sarabande endiablée. D’abord ceux qui se définissent comme « hors-Spirou », au premier rang desquels l’agent Longtarin (sujet principal : une voiture improbable, jaune et noire) et M. de Mesmaeker (sujet principal : des « contrats » qui resteront à jamais jamais signés). Les avanies que leur fait subir Gaston (jamais dans une mauvaise intention, notez-le) ne se comptent plus.

 

Plus en retrait, les talents de Gaston s’exercent aux dépens de l’armée, dont les scrogneugneus sont toujours présentés de façon à ce que les dégâts qu'il leur occasionne apparaissent comme une manifestation de la justice immanente. Mais on voit aussi son ingéniosité à l’œuvre quand il va à la campagne ou à la plage (pauvres lapins, quand même !).

 

Quant à l’équipe de Spirou, qui constitue le centre des principales victimes des bonnes intentions de Gaston, on s’intéressera en priorité à Fantasio, Prunelle, Lebrac, Bertje, Monsieur Boulier, quelques autres, plus intermittents (la femme de ménage aux prises avec la mallette antivol imaginée par notre héros). Je situe à part Moiselle Jeanne, qui en pince méchamment pour notre anarchiste à tout faire. Le champ d’épandage des gaffes semble, sous le crayon d’ANDRÉ FRANQUIN, extensible à l’infini.

 

L’invention, chez Gaston Lagaffe, est permanente, tous azimuts et portée à incandescence. Au premier plan de la photo des créations catastrophiques de notre garçon de bureau préféré, j’ai tendance à placer un instrument de musique, encore qu’on ne sache pas très bien, au sujet de ce qui sort du dit instrument, s’il s’agit de musique ou d’un tremblement de terre. Les amateurs ont déjà reconnu le GAFFOPHONE.

 

Un instrument naturel qui fait des dégâts démesurés par rapport à ses capacités physiques. Gaston a inventé le seul instrument exponentiel au monde. Mais le personnage lui-même est exponentiel. Il s'appelle  GASTON LAGAFFE.

 

Voilà ce que je dis, moi.

jeudi, 10 janvier 2013

MAIS QUELLE ETAIT LA QUESTION ?

Pensée du jour :

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AATSISTA MAKHAN, BLACKFOOT

« Un vent aigre balaie les rues. Le Soleil est entré dans le Bélier. Les enfants qui naissent sous ce signe feront bien d’éviter les tournois. L’astrologue les leur déconseille. C’est déjà le moment de fumer les vieux houblons et de planter la griffe d’asperge. Voire de semer la lupuline. Bientôt l’hirondelle va revenir ».

 

ALEXANDRE VIALATTE

 

Est-ce que le pou se pose la question : « Est-ce que j’existe ? » ? Non, il se contente d’exister. S’il a une tête, on ne sait pas vraiment ce qu’il a dedans. Il vit sa vie de « pou de la reine, pou de la reine, pou de la reine, le roi Ménélas » (JACQUES OFFENBACH). Y a-t-il des reines chez les poux ? Cela n’est pas prouvé, à l’heure ou nous parlons. Cela n’empêche nullement d’affirmer que l’insecte est un problème. 

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Je crois qu’on peut savoir gré à ANDRÉ FRANQUIN d’avoir résumé le problème dans une page de Gaston Lagaffe. Gaston, qui doit s’occuper d’un petit tout un après-midi, raconte à celui-ci l’histoire suivante : « Chez les papous, il y a les papous à poux et les papous pas à poux. Mais chez les poux, il y a les poux papas et les poux pas papas. Donc chez les papous, il y a les papous à poux papas et les papous à poux pas papas ». Tout comme ça.

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On voit par là (merci pour la formule, monsieur VIALATTE) que la vie est une succession d’aiguillages, de subdivisions, de voies divergentes dont on se rend compte qu’on les a quittées quand on se trouve embarqués dans un bateau qu’on n’a finalement pas si librement choisi qu’on voudrait nous le faire croire. 

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Aiguillages ou pas, on est toujours sur ses rails. Pas vrai ?

 

 

En tout cas, voilà ce que je dis, moi.

 

 

jeudi, 15 novembre 2012

PLICK ET PLOCK CHEZ TINTIN

 

On ne discute plus d’HERGÉ, de nos jours. Le monde entier connaît les aventures de Tintin, reporter au Petit Vingtième. Tout le monde le sait, Tintin et Milou sont des totems adulés dans les villages du Congo, des justiciers détestés dans les gangs de Chicago, d’indéfectibles amis de Tchang dans les solitudes altières du Tibet. Comme on a dit : « Verdun, on ne passe pas ! », on peut dire : « Tintin, on ne touche pas ! ». Et ce n’est pas moi qui vais commencer à débiner la marchandise. 

 

Il y a un culte de Tintin qui, ne le nions pas, s’est répandu à travers le monde. On peut ajouter que certains commerçants avisés ont su mettre à profit la mode des « produits dérivés » pour améliorer l’état de leur compte en banque. A cet égard, je pense qu’on pourrait dire à bon droit que Tintin est le premier « blockbuster » de l’histoire, puisque les premières fusées XFLR-6 vendues dans le commerce (vous savez, le damier rouge et blanc, ça, c’était de la « com ») doivent remonter aux années 1950. Enfin, je n’en sais rien. 

 

Je ne suis certes pas « tintinolâtre », mais je peux me dire à bon droit « tintinophile », ayant, dans le temps, lutté victorieusement contre des individus qui croyaient pouvoir m’en remontrer dans la connaissance des détails. Mais ces temps épiques appartiennent au passé, et j’avoue que le goût du bachotage tintinesque, alors pratiqué en vue de briller auprès de quatre ou cinq obscurs quidams, ne fait plus, depuis longtemps, partie de mes priorités. Je vois désormais les choses avec un certain recul philosophique, et les viscères durablement pacifiées.

 

Cela rend d’autant plus intéressantes certaines « trouvailles » opérées au gré du hasard de lectures diverses. C’est ainsi que, ayant rouvert le volume des Malices de Plick et Plock, de CHRISTOPHE, je suis tombé sur des images qui m’ont ramené aussitôt à HERGÉ. Le volume est beaucoup moins connu que Le Sapeur Camember ou Le Savant Cosinus.

 

Sauf que Plick et Plock, ça a été publié entre 1893 et 1904. Longtemps avant Le Temple du soleil (1949), 13ème épisode de la saga (si l’on fait abstraction de l’assez mauvais épisode soviétique, soi-disant le premier, mais pour moi, ça vaut autant que la 1ère dent de lait tombée de la gencive de la 1èresouris, même si ça n'empêche pas l'édition princeps d'être cotée 35.000 euros, ils sont fous ces Romains).

 

Alors bon, quelque adepte contemporain de l’Eglise de l’Ou.Li.Po. (« Ouvroir de Littérature Potentielle ») plaidera je ne sais quel « plagiat par anticipation » (ils auraient tout aussi bien pu dire « précurseur postérieur » pour désigner le plagiaire), et dira que c’est GEORGES COLOMB (alias CHRISTOPHE) le coupable, et qu’il a piqué l’idée à HERGÉ (né en 1907) en reniflant sa boule de cristal.

 

Je vous explique. Dans Le Temple du soleil, Tintin, Milou, Haddock et Zorrino gagnent le dit temple en traversant les Andes. Sur tout leur parcours, de méchants Indiens tentent de les empêcher d’arriver. Parvenus aux neiges éternelles, ils subissent une avalanche déclenchée par l’éternuement d’Haddock. Pour le ressusciter, Tintin ouvre la bouteille de whisky, qu’Haddock, aussitôt réveillé, avale cul-sec.

Et c’est en poursuivant les lamas (rappelez-vous : « Quand lama fâché, senor, lui toujours faire ainsi. ») qu’il tombe (littéralement) sur les méchants, en se transformant en énorme boule de neige, qui les précipite du haut d’une falaise, alors que sa boule à lui se fracasse sur un rocher. Il l’a échappée belle.

Or on trouve, dans Plick et Plock, la même idée, pas au millimètre près, mais pas loin. Là, c’est Plick qui joue le rôle de la boule de neige, et c’est un « arbre providentiel » qui joue le rôle du rocher, Plock se contentant de jouer le rôle du whisky, puisque c’est lui qui pousse Plick dans la pente neigeuse. Même accident, même pied qui dépasse. Il n’y a pas à s’y tromper : HERGÉ a lu CHRISTOPHE. Mieux : il s’en est souvenu.  

That’s all, folks ! Juste le temps d’ajouter qu’ANDRÉ FRANQUIN s’est lui aussi souvenu de CHRISTOPHE dans une histoire de son Gaston Lagaffe. Gaston, qui a inventé un moyen révolutionnaire de se débarrasser du sapin de Noël sans semer des aiguilles partout (grâce à je ne sais plus quelle colle miraculeuse), se retrouve entièrement couvert des dites aiguilles. Et que c’est au hasard d’une corde pincée de son inénarrable gaffophone qu’il s’en trouve en un instant nettoyé (« Pff ! Gaston s’en sort toujours », lance-t-il à Fantasio ou Lebrac, je ne sais plus).

 

 

Eh bien on trouve un peu la même idée dans Plick et Plock : nos deux gnomes qui n'arrêtent pas de faire des bêtises sont aux prises avec l'électricité statique. L'un reste collé au mur, l'autre se voit recouvert des poils d'un caniche qui vient d'être tondu. Mlles Zig et Zag (souvenir des Voyages en zig-zag du grand RODOLPHE TÖPFFER ?) ne sont pas tombées de la dernière pluie, et d'un bout d'aiguille débarrassent illico les deux garnements. 

 

Longue vie à Tintin (bien qu’il manque carrément d'humour), longue vie à Gaston (parce qu’il est le bienheureux désordre dans une machine trop bien huilée). 

 

Voilà ce que je dis, moi.

vendredi, 18 mai 2012

ELOGE DE MAÎTRE RABELAIS

Comme promis (« Compromis, chose due », disait COLUCHE en parlant des femmes), aujourd’hui, j’attaque Maître FRANÇOIS, alias ALCOFRIBAS NASIER. Bien sûr, que c’est RABELAIS. Que puis-je dire, au sujet de RABELAIS ? Si je disais que j’ai l’impression que j’ai du rabelais qui me coule dans les veines, je ne serais pas très loin de la vérité, mais ce ne serait sans doute pas très bon pour ma réputation (quoique …).

 

Pourquoi ? Mais à cause de la réputation de grand buveur devant l’éternel, qu’il traîne depuis toujours, pas complètement à tort, probablement. Ce qui est sûr, c’est que ce n’est pas sa lecture qui vous empêchera de passer à l’éthylomètre avant de prendre le volant. Tout ça pour dire que parmi les auteurs français que ma prédilection m’a amené à cultiver de préférence aux autres, je l'avoue aujourd'hui, c’est RABELAIS qui vient en tête.

 

En confidence et par parenthèse, je peux vous dire aussi que celui qui vient en queue s’appelle PIERRE CORNEILLE, mais ça, c’est dû à la longue malédiction qui a poursuivi ce malheureux génie depuis un épouvantable Cinna étudié en classe de 5ème, sous la férule de Monsieur LAMBOLLET, au lycée Ampère. J’imagine que c’était au programme. Je vous jure, Cinna à douze ans, il y a de quoi être dégoûté des mathématiques. Euh, j’ai dit une bêtise ?

 

« Prends un siège, Cinna, et assieds-toi par terre, Et si tu veux parler, commence par te taire ». Non, je déconne, ce n’est pas Auguste qui dit ça à Cinna, c’est nos esprits mal tournés d’élèves mal élevés qui brodaient. Forcément, c’est ça qui m’est resté. Mais ça doit être du genre de la « pince à linge » des Quatre Barbus et de la 5ème symphonie de BEETHOVEN.

 

Si, j’ai quand même retenu « Je suis maître de moi comme de l’univers », parce que je vous parle d’un temps où l’on apprenait par cœur. Je crois bien que c’est dans la bouche d’Auguste. Mais CORNEILLE m’a collé à la semelle gauche (il paraît que ça porte bonheur !), parce que plus tard, j’ai dû me farcir Sertorius, et puis Suréna, et ce traumatisme, franchement, je ne le souhaite à personne. Et je n’ai rien dit d’Agésilas et d’Attila : « Après l’Agésilas, hélas, mais après l’Attila, holà ! ». Même que ce n’est pas moi qui le dis, c’est BOILEAU, alors.

 

Résultat des courses, il m’est resté un automatisme : de même que Gaston Lagaffe éternue dès qu’on prononce le mot « effort », de même, dès que j’entends le nom de CORNEILLE, je bâille. Bon je sais, la blague est un peu facile, mais avouez qu’il fallait la faire, celle-là, et c’est d’autant plus vrai que ce n’est pas faux. Et puis si, par-dessus le marché, ça désopile la rate, on a rien que du bon.

 

Mais foin des aversions recuites – et injustes comme sont toutes les vendettas, et je ne vais pas passer ma vie à assassiner CORNEILLE qui, après tout, ne m’a jamais empêché de vivre, malgré des dommages monumentaux à mon égard, pour lesquels je n’ai jamais reçu d’intérêts –, revenons à RABELAIS. 

 

Le portrait ci-dessus est donné pour celui de RABELAIS en 1537. Il tranche avec tout ce qu'on connaît, et l'on est pris de doute. Pourtant, je me rappelle la collection de portraits accrochés dans un des bâtiments de La Devinière, la maison natale : beaucoup ressemblaient à l'officiel, de plus ou moins loin, il est vrai. Mais quelques-uns étaient de la plus haute fantaisie, faisant parfois de l'auteur une sorte de nègre.

 

Je ne vais pas refaire mon chapitre sur Lagarde et Michard, avec leur damnée tendance à tout tirer vers le sérieux, le pontifiant et l'asexué, bref, le SCOLAIRE (« ce qu’il faut savoir »), mais il est sûr que si on veut jouir de RABELAIS, c’est dans le texte qu’il faut aller. Et pour y aller, j’espère qu’on m’excusera, il faut avoir envie de jouir. C’est un aveu. Tant pis. J’espère qu’à mon âge, il ne me coûtera pas trop cher.

 

RABELAIS ? C’est ma respiration. C’est mon espace vital. C’est comme un socle. Je n’y peux rien, ça s’est fait malgré moi, comme ça, sans que j’y prête la main, c’est certain. RABELAIS m’a appris une chose : la JOIE est le centre nerveux, le cœur et le muscle de l’existence. Tout le reste est résolument secondaire, accessoire, décoratif, facultatif, marginal, subsidiaire, superfétatoire et, disons le mot, superflu. Ce que je trouve chez RABELAIS me ramène toujours à la JOIE.

 

Il serait d’ailleurs peut-être plus exact de dire que j’ai satisfait dans RABELAIS ce besoin d’éprouver la JOIE. C’est ce même genre de besoin vital qui m’a rendu récemment jubilatoire, proprement et absolument, la lecture de Moby Dick. Mais c’est vrai, je ne sais pas encore tout, et je ne suis pas sûr d’en savoir plus « quand fatale [sonnera] l’heure De prendre un linceul pour costume » (Le Grand Pan, GEORGES BRASSENS). 

 

C’est sûr, MONTAIGNE me touche, mais c’est un homme qui s’écoute. Beaucoup de passages plaisants, c’est sûr (je me suis efforcé d’en indiquer à plusieurs reprises ici même), mais il y a à mon goût trop de gravité chez MICHEL EYQUEM, petit châtelain de Montaigne. En comparaison, RABELAIS, je vous jure, existe concrètement, jovial et fraternel. Dès qu’il vous aperçoit, il vous invite à sa table. C’est une tout autre vision de l’humanité.

 

Une humanité qui converse gaiement autour d’une table couverte de plats ventrus et de flacons vermeils. Une humanité qui parle de la vraie vie, poétique et réelle, qui est forcément celle de tout homme. Poétique, parce que tout homme rêve et que tout rêve est poétique. Réelle, parce que lire les livres de RABELAIS est une excellente recette pour apprendre à renoncer sans regret à devenir maître du monde. Il y a tout ça, dans l’œuvre de FRANÇOIS RABELAIS.

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

Et ce n'est pas fini.

mardi, 29 novembre 2011

DE LA COURTOISIE EN PHILOSOPHIE

Résumé de l’épisode précédent : HANNAH ARENDT est très belle et Monsieur BERNARD est mort.

 

 

Monsieur STORA, le remplaçant de Monsieur BERNARD pour enseigner la philo, je ne sais absolument pas si c’est le BENJAMIN STORA qu’on entend régulièrement sur les ondes quand il s’agit pour les Français de comprendre le Maghreb. Je ne pense pas, parce que, pour s’occuper de l’Afrique du Nord, il faut être historien ou géographe, pas philosophe. Quoique ... (comme disait RAYMOND DEVOS).

 

 

 « Non-conformiste » résumera le mieux la situation. Je ne pense pas que, sous la houlette décontractée de Monsieur STORA, nous ayons fourni des efforts démesurés. Je me souviens plutôt de causeries informelles. Evidemment, ce n’est pas désagréable, et puis ça fait passer le temps. Et puis, aussi, il m’en reste quelque chose.

 

 

Car j’ai gardé un souvenir de son passage dans notre classe, un souvenir non négligeable, comme on va le voir. Je préviens qu’il ne préjuge en rien du fait que Monsieur STORA était ou non excellent, mais il m’a permis au moins d’enrichir mon vocabulaire d’un mot, d'un seul.

 

 

Il nous parla en effet un jour des fauteuils conçus par des dessinateurs d’avant-garde (pardon : des designers), qu’il avait qualifiés de vrais « baisodromes ». La preuve qu’il l’a dit, c’est que je m’en souviens. C’était sans doute ça, l’avant-garde pédagogique. Et ça annonçait 1968. Et puis, baisodrome, c’est une philosophie comme une autre, demandez à DOMINIQUE STRAUSS-KAHN.

 

 

Quant au troisième, Monsieur GIRERD, quand il a bien fallu remplacer Monsieur STORA, là, j’ai vraiment eu l’impression d’entrer dans une « classe-de-philo ». Affreux ! Le couvercle, pour le moins ! Quand on entrait dans sa classe, l'espace était déjà plus étroit, les murs s'étaient resserrés, le plafond s'était abaissé, on respirait plus difficilement. J’étais assis à côté de X…, et nous mettions une coche au crayon sur une feuille de brouillon, chaque fois que Monsieur GIRERD prononçait sa formule : « si-vous-voulez ». A la fin, on comparait nos décomptes, pour montrer que nous avions été des élèves excessivement attentifs et studieux.

 

 

L’année suivante, j’ai passé toutes mes notes prises en cours à SYLVIE, qui préparait son bac. SYLVIE attendit plusieurs années avant de m’avouer qu’elle s’y était fort amusée et divertie, en particulier à cause des nombreux petits dessins et du nombre appréciable des « je m’emmerde » dont j’avais pris soin de  farcir les dites notes. J’avais bien sûr totalement oublié ces détails poétiques.

 

 

Si l’on pouvait mourir d’ennui, je serais mort dans un cours de Monsieur GIRERD qui, pourtant, dans son costume impeccable, avait une façon fort élégante de sortir un mouchoir impeccable de sa poche pour s’en essuyer le front dans un sourire dénué, sinon d’humanité, du moins de justification, avant de soulever d’un doigt le bas de sa veste impeccablement coupée pour réinsérer le mouchoir dans sa poche.

 

 

Ce dont je me souviens, c’est que ce monsieur, finalement et tout compte fait, n’était pas trop mécontent d’être lui-même. On comprenait très vite qu’il était moins un philosophe que quelqu’un qui s’acquittait contre rémunération statutaire de sa tâche, qui consistait à enseigner la philosophie contenue dans les manuels, pour le compte de l’Etat français. Il n’était certes pas du côté du doute, au moment même où il parlait de DESCARTES.

 

 

Je suppose que ma haine de ce qu’on appelle  « scolaire », la pire antithèse de ce qu'on appelle « humaniste », je la dois au moins en partie à Monsieur GIRERD. A ce titre, je lui dois aussi une certaine gratitude. Et puis après tout, malgré ses efforts, je me dis qu’il n’a pas réussi à me dégoûter de toute philosophie. Conclusion : je me dis qu'il y a d’un côté les philosophes "pour philosophes et profs de philo", et de l’autre des hommes qui philosophent avec un sens aigu de la courtoisie.

 

 

Mon pire souvenir, en philosophie, fut certainement Anthropologie philosophique, de BERNARD GROETHUYSEN, livre entamé librement, je le précise, mais sans précaution aucune, inconsidérément et à l’aveuglette. Je ne souhaite pas une pareille épreuve à mon pire ennemi. Très courte, l’épreuve, il ne faut rien exagérer.

 

 

D’une manière générale, autant le dire, je déteste le spécialiste ou l’expert qui pense que, quand il s’adresse à des non-spécialistes, plus il les assommera de termes assommants, c’est-à-dire moins son public aura compris ce qu’il a dit, plus il en ressortira muni d’une auréole d’expert patenté, et plus son propos a des chances de devenir parole d’évangile. Ça, laissez-moi vous dire que ça n’attrape que les gogos, qui regardent le nœud de cravate de travers et le brushing défait avant d’écouter les paroles.

 

 

L’actualité économique nous offre mille exemples de ce vice radical qui a contaminé les économistes (avec la liaison « z », j’ai toujours envie de les appeler les « zéroconomistes »). Heureusement, l’actualité, quelle qu’elle soit, nous offre pour compenser une constante et parfaite illustration du bien connu proverbe : « Un clou chasse l’autre ».

 

 

Heureusement, aussi, le bureau de Madame Actualité est organisé comme celui de GASTON LAGAFFE qui, ajoutant le courrier du jour à la masse du courrier accumulé, précipite le courrier ancien dans la poubelle située de l’autre côté. Cela ne rend pas plus humbles, pourtant, les professionnels dont le métier est de s’occuper des charmes de Madame Actualité et qui, tous les matins, sont obligés de repartir à l’assaut de son corps inépuisable, toujours nouveau et toujours pareil, aussi vieux et aussi pimpant de jeunesse éclatante.

 

 

J’avais lu, il y a fort longtemps, un livre formidable, bien que de taille conséquente : L’Auto-analyse de Freud, de DIDIER ANZIEU. Voilà, me disais-je, une façon courtoise de s’adresser à moi, lecteur : quand je referme le livre, j’ai l’impression d’avoir compris ce qu’on m’a dit. Oui, je dirai qu’il s’agit là de courtoisie.

 

 

JACQUES LACAN a certainement eu ses raisons (précision et exactitude) pour s’exprimer, dans le même domaine qu’ANZIEU (la psychanalyse), mais s’il avait envie de rester entre spécialistes en s’adressant à des spécialistes, grand bien lui fasse et je ne m’en mêle pas. Après tout, on ne demande pas au chercheur en biotechnologie d’écrire le billet d’humeur du journal du jour en langage biotechnologique.

 

 

Mettez le nez, si ça vous dit vraiment, dans Télévision, du dit JACQUES LACAN (mince comme une jambon de sandwich de chemin de fer, et aussi indigeste, qui commence par le célèbre : "Je dis toujous la vérité. Pas toute."), et vous m’en direz des nouvelles. Sans entrer dans l’étude du cas « JACQUES LACAN », il y a quand même quelque chose de curieux, voire de rigolo. La question qui se pose, en effet, c’est de savoir comment il se fait que cette parole pour le club très fermé d’une élite d’initiés se retrouve galvaudée sur la place publique.

 

 

N’y aurait-il pas une petite envie de gloriole ? Allez, avoue JACQUOT, on t’en voudra pas. Le créneau est original : il fallait le trouver ! JACQUES LACAN fondateur de l’école

 

« HERMETISME DE PLACE PUBLIQUE » !

 

C’est pas rigolo, ça ? L'oxymore de compétition ! L'oxymore du mépris affiché ! Il fallait y penser ! « Regardez-moi ! Je parade, et vous êtes incapables de savoir pourquoi, mais vous êtes convaincus que je vous  suis supérieur. D'ailleurs tout le monde le dit. Au diable la courtoisie ! »

 

 

Je les vois très bien, les douze psychanalystes, les conspirateurs en mie de pain, place de la Concorde, avec leurs lunettes noires, leurs imperméables mastic, leurs chapeaux mous, qui murmurent entre eux tout en jetant des coups d’œil autour d’eux, comptant les badauds qui s’arrêtent autour de leur manège de complot de farce. Une belle idée publicitaire quand même.  Je lui prédis le plus bel avenir. Ah, on me dit que LACAN est mort ? Peut-être qu’il avait l’âge ?

 

 

Attention, fin de déviation, retour à l’itinéraire de départ. Retour à HANNAH ARENDT et à Condition de l’homme moderne. J’ai dit les efforts que ce livre m’a demandés. Là, j’ai eu envie de m’accrocher, au seul motif que j’avais déjà lu quelques choses de la dame qui m’avaient bien parlé. Je tâcherai d’être clair, dans la modeste mesure où j’ai moi-même mesuré enjeux, tenants et aboutissants, ce qui n’est pas gagné d’avance. Je ne vais pas résumer le livre, juste essayer de dire pourquoi je ne regrette pas de l'avoir lu.

 

 

A suivre, si je me sens de taille, ... et d’humeur.